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Sur les traces de Magic The Gathering

  • Photo du rédacteur: AurélienV
    AurélienV
  • 10 août 2021
  • 9 min de lecture

Commençons cet article par un peu de contexte. Je suis joueur de Magic the Gathering depuis 25 ans et j'ai à peu près traversé toutes les phases possibles avec ce jeu. La découverte détachée de toutes contraintes de formats compétitifs tout d'abord, puis un investissement modéré sur un panel de formats comptant parmi les plus populaires d'entre eux, pour devenir un véritable joueur acharné du format draft dans mes années les plus récentes. Tout ce parcours m'a amené à considérer ce jeu créé par Richard Garfield comme étant le meilleur au monde à bien des égards, celui qui sait me procurer le plus de sensations et d'émerveillement face à l'étendue de ses possibilités et les qualités de chacune de ses éditions en matière de design.

Mais voilà, impossible pour moi de ne pas reconnaître qu'il s'accompagne d'un tas de facteurs dont je me serais bien passé dans mon quotidien de joueur curieux et avide de nouveautés : L'aspect financier d'un jeu qui appelle à dépenser encore et toujours plus, mais aussi sa tendance à devenir très chronophage. Et en tant que passionné de jeux de société j'ai également longtemps été en parallèle à la recherche d'une alternative similaire mais condensée dans une version plus accessible à mon entourage. Dans cette optique j'ai récemment jeté mon dévolu sur trois jeux. Trois propositions qui reprennent à leurs manières certains codes de Magic the Gathering et pour lesquelles je vous propose de partager l'accueil qui leur a été réservé sous mon toit et l'analyse des constats effectués.

Mais en bref prélude, et si vous ne connaissez pas bien Magic, je vous propose de consulter la vidéo ci-dessous afin d'en avoir un aperçu en à peine plus de deux minutes de votre temps :


Ceux qui connaissent le jeu savent que cette présentation est aussi fidèle que terriblement condensée. Car Magic c'est un océan d'options qui s'offrent à nous, mais aussi malheureusement pour les novices une montagne de règles, de phases de jeu et de mots clés qui rendent son apprentissage particulièrement exigeant. Les jeux détaillés ci-dessous ont donc été accueillis avec une volonté bien marquée de rompre avec ce lourd bagage mécanique.


Shards of Infinity


Anatomie du jeu et comparaison avec Magic :


Les points communs sont assez nombreux : Des factions de couleurs aux identités bien marquées. On y trouve notamment les agressifs Spectra bien déterminés à foncer tête baissée. Les prudents Maquis qui misent tout sur la préservation de notre total de point de vie. Les mono-maniaques Homodeus qui se concentrent avant tout sur eux-mêmes et viennent s'opposer aux très ouverts Ordre qui visent à rassembler au maximum. Ces différents profils complémentaires viennent façonner l'équilibre du jeu et nous obligent donc à axer nos choix sur la nécessité de s'adapter à notre adversaire.

On retrouve là aussi des cartes jouables selon un coût qui leur est propre, avec notamment des créatures dotées elles-mêmes de points de vie et qui restent sur table jusqu'à ce qu'elles soient défaites. Enfin, et ça pourrait être jugé plutôt regrettable, un esprit très similaire habite les illustrations qui viennent clairement reprendre l'univers et les traits de son ainé.


L'originalité :


Là où Magic propose une phase de deckbuilding détachée des manches d'affrontements. Shards of Infinity s'inspire de quelques uns de ses cousins du jeu de société pour proposer un deckbuilding pleinement intégré aux parties et reposant sur une rivière commune de cartes.

En revanche le jeu présente une réelle idée supplémentaire et qui façonne véritablement son identité. Proposée sous l'appellation "point de maitrise", celle-ci consiste à tenir trace d'une seconde unité (en plus des traditionnels points de vie) et qui va permettre à de nombreuses cartes de devenir plus puissantes dès lors que certains paliers auront été atteints. Il existe d'ailleurs une carte que tout joueur a dans son deck de départ et qui permet d'achever notre adversaire dès lors que les 30 points de maitrise ont été assemblés.

Autre originalité du jeu, et qui vient cette fois se démarquer des autres références de deckbuilding : La présence de cartes nommées "Mercenaires". Là où les habitués du genre se voient généralement offrir l'opportunité d'investir dans une carte pour devenir une partie intégrante de leur deck, ici les mercenaires disposent d'effets instantanés à usages uniques et sont donc définitivement écartés du jeu. De quoi offrir un supplément de réactivité aux possibilités qui s'offrent à nous.

Mon ressenti :


Si toutes les bases semblent posées pour tenir les promesses engagées, le ressenti global et l'engagement stratégique demandé n'ont clairement pas été à la hauteur de mes espérances. Beaucoup de choix évidents en apparence, il s'agira souvent de dépenser un maximum lors de chacun de nos tours pour piocher dans la maigre rivière de cartes. Pire encore, les premiers choix effectués incitent encore davantage à poursuivre dans une direction rapidement dictée par le fait que les cartes d'une même couleur synergisent bien souvent davantage entre elles qu'avec toute autre.

Si l'expérience générale est celle d'un jeu fluide, basée sur des éléments et un design d'ensemble tout à fait solides, au final la comparaison avec Magic est peu flatteuse et l'ennui s'installe. Malgré un certain succès d'estime que j'ai pu observé au sein de toute une communauté de joueurs, ce jeu n'est donc pas le Graal que je recherchais.


Indomptables


Anatomie du jeu et comparaison avec Magic :


Encore une fois les points communs avec Magic sont nombreux et plutôt similaires à ceux observés chez Shards of Infinity. Le jeu se décline en factions, cette fois présentes au nombre de neuf et dotées de gameplay bien spécifique à chacune. Et si les profils de celles-ci sont à nouveau complémentaires, les frontières semblent cette fois bien plus ténues, autorisant volontiers la mixité des espèces et laissant même apparaître quelques synergies bien réelles entre cartes issues de factions différentes. Vous devrez d'ailleurs en sélectionner trois en début de partie afin de mélanger leurs decks respectifs et composer le tas de cartes qui vous servira de pioche.

Côté caractéristiques des cartes on se retrouve face à des classiques : Coût d'invocation, force et défense, ainsi que quelques effets d'activation variés. On trouve également des objets que l'on pourra apparenter aux rituels de Magic. Les adeptes de ce dernier ne se seront donc pas déboussolés, loin de là, d'autant plus qu'on retrouve le même fonctionnement de "terrains" générateurs de mana, sauf que ceux-ci sont en réalité des cartes de notre main qu'on devra jouer face cachée afin de les matérialiser sur table. Plus vous progresserez dans la partie, plus votre pouvoir d'invocation sera donc important. Ce qui va là aussi permettre la naissance de stratégies agressives basées sur un déploiement sans retenue de vos forces de frappe, ou au contraire de miser sur le long terme en vous reposant sur vos cartes les plus chères mais à fort impact. Les fondamentaux sont donc préservés.


L'originalité :


Dans Indomptables vous n'aurez pas à défendre vos propres points de vie, mais ceux des trois forteresses associées aux peuplades que vous aurez sélectionnées pour mener à bien votre partie. Chacune de ces forteresses s'accompagne d'un petit pouvoir qui lui est propre et doit donc être ajouté dans la balance lors de vos prises de décisions. A noter que dès qu'une forteresse est démolie, il vous est offert l'opportunité de récupérer du renfort pour éventuellement contenir une situation qui serait devenue incontrôlable sans. Le jeu vous donne ainsi une chance de vous racheter mais il ne faut alors pas tarder à réagir.


Mon ressenti :


Indomptables offrent des sensations vraiment très proches de Magic, la lecture du jeu qui doit être effectuée demande une vraie analyse approfondie de l'impact de chacune des cartes sur votre partie et du tempo idéal dans lequel il est préférable de les jouer. Les différents mots clés et la belle variété des pouvoirs associés à chaque créature offrent une vraie profondeur de choix et dessinent une marge de progression bien palpable.

Toutefois on pourra regretter une certaine inélégance sur table ainsi qu'une relative lourdeur à la mise en place et au rangement du jeu. Entre vos cartes en main, votre pioche, les cartes retournées en guise de terrain, les cartes à recycler en guise de ressource annexe et les cartes définitivement écartées, il se dégage une impression d'un jeu qui ne serait peut-être pas suffisamment parvenu à s'éloigner de son grand cousin pour en devenir à son tour marquant. Mais le jeu reste très plaisant et les combos qu'il permet incitent véritablement à remettre le couvert avec un plaisir non-dissimulé. Une belle surprise donc, même si quelques défauts subjectifs restent en tête.


Mindbug

Anatomie du jeu et comparaison avec Magic :


Ici le rapprochement est d'autant plus légitime que l'on retrouve carrément Richard Garfield au sein de l'équipe créative de Mindbug. Et l'ambition de cette relecture saute rapidement aux yeux : Délester au maximum, le plus radicalement possible, afin de proposer une version la plus allégée, la plus condensée qui soit. Et cela se ressent déjà structurellement. Toutes les cartes sont des créatures cette fois, toutes sans exception. Et mieux encore, elles disposent uniquement d'une seule valeur chiffrée, pas de coût, pas de distinction entre attaque et défense. Rien de tout cela mais juste une valeur, en réalité une puissance, s'échelonnant de 1 à 10 d'une créature à une autre. Vous n'y trouverez pas non plus de phases de jeu. Ici deux options s'offrent à vous : Jouer une carte ou attaquer. Et à chacun de vos tours vous devez choisir entre l'une ou l'autre de ces possibilités. Votre total de point de vie est également ramassé puisque vous démarrez avec 3 PV, autant dire que chacun d'eux est particulièrement précieux.

Autre simplification radicale, vous pouvez également dire au revoir aux couleurs et autres factions. Chaque créature offre un gameplay spécifique et il n'existe aucune invitation à venir se spécialiser dans telle ou telle autre stratégie préconçue par une quelconque division des cartes en sous-catégories. Finalement l'intégralité de vos choix va se reposer sur le contenu textuel bien visible dans le petit encadré noir. On y retrouve 5 mots clés récurrents, ceux-là même sur lequel repose tout l'équilibre des éléments du jeu, ainsi que des capacités qui s'activeront soit lorsque votre carte sera jouée, soit quand elle attaquera. Les designers de Mindbug ont ainsi pressé la pulpe du bien-aimé Magic et n'ont conservé que le substrat d'un jeu devenu genre à lui tout seul mais dont les fondamentaux pouvaient parfaitement se résumer de la sorte.


L'originalité :


Vous en trouverez deux majeures. La première repose sur la distribution des cartes qui seront jouées. Extrayez chacun dix cartes d'un paquet de 48 unités et composant en tout et pour tout l'intégralité du jeu (en réalité jusqu'à 82 cartes avec la délicieuse extension accompagnant la campagne Kickstarter). A partir de là vous piochez votre main initiale de 5 cartes et n'avez alors que les 5 restantes pour piocher dès lors que vous devez compléter votre main. Vous n'avez rien d'autre pour aller au bout de votre partie et devez donc plus que jamais considérer vos cartes comme une ressource précieuse.

La seconde particularité du jeu est la plus surprenante et influence tellement le gameplay qu'elle a donné son nom au jeu. Mindbug c'est l'appellation donnée à un droit qui vous est accordé deux fois par parties, celui de récupérer une carte jouée par votre adversaire pour la jouer vous même à sa place. L'idée, qui peut paraître saugrenue au premier regard, s'accompagne en réalité d'une tonne de bienfaits : Vous trouvez votre tirage de cartes peu avantageux ? Attendez de voir ce que va poser sur table votre adversaire pour vous ajouter d'éventuelles options à subtiliser. Vous considérez que votre adversaire joue une carte bien trop forte ? Saisissez-là, mais sera-t-elle aussi forte dans le contexte qui est le votre ? Rien n'est moins sûr. Vous pensez détenir une carte clé pour vous mener vers la victoire, mais risquerez-vous de la jouer et de la voir être dérobée ? A vous d'analyser au mieux la situation à chaque instant et de faire les bons choix, car ce genre d'opportunité, aussi puissante soit-elle, reste très limitée et dès que vos deux cartouches sont grillées vous pouvez vous attendre à voir jouer votre adversaire avec une assurance désormais décuplée.


Mon ressenti :


Nous voilà enfin arrivé à bon port. Il m'aura fallu un peu de patience et le plaisir de voir arriver cette petite boite sur le pas de ma porte en plein été et d'y découvrir son contenu haut en couleurs chargé d'humour absurde. Dix jours plus tard, 40 parties ont déjà été effectuées. Addictif, malin, terriblement malin même. Chaque partie est remplie de choix forts, de décisions impactantes, de retournements de situation. Le scenario des événements s'y renouvelle sans cesse, bien aidé par un large éventail de possibilités qu'on ne soupçonne pas pouvoir se situer dans un tel package minimaliste. Et l'extension qui vient avec apparaît rapidement comme étant en réalité partie intégrante d'un jeu qui a tout à gagner à être considéré dans sa globalité. Chacune des cartes le composant est susceptible de devenir à un moment la star du jour, si tant est que vous aurez su l'exploiter à son plein potentiel et créer la situation propice à cela.


Mindbug est un jeu hautement satisfaisant, dans lequel il faut savoir s'investir pleinement et qui nous le rend bien. Un jeu qui laisse la place au joueur d'être ce qu'il est au plus profond de lui-même. Que vous soyez prudent ou plutôt rentre dedans, que vous soyez vicieux ou plutôt du genre à jouer carte sur table, que vous aimiez le bluff, réaliser des combos ou jouer le plus simplement du monde. Tout cela vous est possible, aucune recette ne semble y être meilleure qu'une autre, si ce n'est qu'il faut savoir se montrer particulièrement bon lecteur de la situation. Rapidement vous savez précisément ce que contient le jeu, la projection faite sur les possibilités adverses vient donc enrichir votre réflexion. Car oui, malgré son nombre de cartes ramassé, malgré la concision de son livret de règles, Mindbug est un jeu qui m'a fait ressentir une tonne de possibilités, davantage que ce que j'ai pu entrevoir chez ses cousins. C'est le petit frère espiègle du célèbre Magic, celui qui semble avoir su le mieux digérer l'héritage familial tout en développant sa propre personnalité bien marquée. C'est en cela que je le pense susceptible de parler à un bien plus large cercle de joueurs que celui dont je me réclame. Ma quête est désormais terminée, j'ai trouvé ce que je cherchais.


AurélienV

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