Ce matin, encore ensommeillé et au chaud sous ma couette, mon loulou débarque dans la chambre. “Papa, Papa ! Aujourd’hui c’est journée Pirate !!” J’ouvre difficilement les yeux et je le vois, tricorne noir sur la tête, sabre en plastique dans une main et crochet dans l’autre ! Je me dis que la journée risque d’être longue… Mais ludiquement passionnante !
Car oui, bien que nous pourrions aussi sortir dans le jardin et nous amuser à chasser Krakky, notre crabe en peluche géant, du haut de notre structure en bois, la météo en ce mois de décembre n’est pas vraiment engageante. Surtout à huit heures du matin. Avec un thermomètre autour des 5°C. Et une pluie glaçante qui tombe.
Après notre petit déjeuner, loin de nous morfondre, nous lançons la bande originale du film Pirates des Caraïbes (Merci Hans Zimmer). Quelques passes d’armes avec des épées en mousse, des chorégraphies digne de Bruce Lee (au moins dans notre imagination), et nous voilà devant nos Kallax, cherchant comment occuper nos prochaines heures.
Kraken Attack : Combat dantesque au petit jour
Pour cette matinée, ça sera tous ensemble contre une grosse bestiole . Il est trop tôt pour les fourberies, alors autant unir nos forces ! Du haut de notre ponton, nous ne voyons que ses tentacules pour le moment. Mais nous savons que le Kraken n’est pas loin. Tapi dans l'ombre… Attendant que nous soyons à bout de forces pour nous donner le coup de grâce. Mais nous vendrons chèrement notre peau. Nos avatars ont des pouvoirs particuliers et, ensemble, nous saurons faire face au danger.
Perchés sur notre navire, nous repoussons les tentacules. Tant bien que mal, nous rafistolons le bardage pour nous protéger. Venu du fond des mers, nous percevons les râles de la bête à chaque coup que nous portons. Les cris se font plus proches. Le Kraken se rapproche. Inexorablement. A mesure que sa rage augmente, sa force se décuple. Ses attaques se font plus nombreuses. Nous n'avons aucun autre choix que de nous soutenir et de nous entraider pour s'en sortir. Nous savons aussi que nous devons forcer la bête à quitter les abysses afin de lui porter le coup fatal. Nous l'attendons. Bien que jeunes moussaillons, nous sommes prêts !
Notre première rencontre avec le Kraken fut un échec. Quarante-cinq minutes de combat acharné pour finir tous les deux à ramer sur une chaloupe. Durant ce trajet éreintant vers le port, nous pensons déjà à revenir nous mesurer à lui. Nous rassemblons nos doublons pour équiper un nouveau navire et repartons à l’assaut. Cette tentative sera la bonne ! Le Kraken mord la poussière, enfin le sable.
C’est la pause déjeuner pour les flibustiers. Nous appareillons notre navire à Port Royal, et cherchons une taverne pour étancher notre soif et nous restaurer. Nous sommes rejoints à la tablée par Mam’s. Nous trinquons au rhum (du jus d’orange en vrai), narrons nos exploits en exagérant la taille de notre immense (minuscule) adversaire. De superlatifs en vantardises, la conversation dégénère un poil. J’en suis à comparer le Black Pearl et le Faucon Millenium, arguant que sur l’eau, celui-ci coulerait comme une pierre et n’aurait aucune chance lors d’une course. Ni une, ni deux, Mam’s et Arthur s’embrasent !
Jamaïca : Fast and Furious sur les mers
Le défi est lancé. Nous ramassons nos tricornes ainsi que nos épées. Direction le port. Chacun sur nos vaisseaux, nous attendons le coup de feu annonçant le début de la course. Le canon gronde et c’est parti. A coup de lancés de dés, c’est un véritable jeu de saute-mouton qui commence. Avancer sur le circuit le plus court ? Prendre l’extérieur pour ramasser des trésors au passage ? C’est le rôle d'un capitaine de savoir prendre des risques ou jouer l’apparente sécurité... Se précipiter et risquer la pénurie ? Ou bien être plus fourmi que cigale et remplir ses cales avant d’affronter les mers ? C’est un choix qu’un capitaine doit assumer… Avancer les coffres vides et piller les navires adverses ? Un pirate doit savoir se montrer malin et sans pitié…
Les musiques de pirates résonnent encore dans nos oreilles. On s'imagine cheveux au vent. Le capitaine hurlant des ordres à demi inaudibles. A peine le temps de profiter du voyage. Les voiles gonflées, les vagues se fracassent sur la proue de nos navires et inondent les visages de nos équipages.
Alea Jacta Est. Le sort est jeté (ainsi que les dès). Matin et soir, nous décidons s'il vaut mieux ripailler, batailler ou bien fendre les vagues à vive allure. Parfois, reculer est nécessaire pour mieux sauter. Souvent, un combat s’engage. Les affrontements sont nombreux. Les coups de canon résonnent et les réserves de poudre s’amenuisent à mesure que nous approchons de Port Royal.
Les barges et pontons sont en vue. La lutte est féroce, tout le monde est sur les rotules. Jusqu’au bout, l’issue sera indécise. Nous ne savons plus quel différent nous a lancé dans cette course folle, et nous nous en fichons. Nous fendons les flots, heureux du moment passé, espérant la gloire et la postérité.
Mam’s passe la ligne d’arrivée la première. L’agilité même, elle a surfé sur les vagues avec virtuosité. Arthur suit quelques longueurs derrière. S’il a été moins véloce, il a également choisi les voies les plus dangereuses. Mais surtout les plus rémunératrices. Ses cales sont pleines des trésors ramassés ou pillés sur mon navire. Il sera logiquement récompensé par le gouverneur de Port Royal. Je finis loin derrière. Les voiles déchirées par les coups de canon. La proue et la poupe percées. Après ces batailles, mes réserves sont désespérément vides. Les phases de pénurie m'ont forcé à de fréquents retours en arrière. Mais à la barre, je tente de garder la tête haute. L’expérience fut belle et de haute lutte. J'aspire désormais à me sustenter aux frais des vainqueurs du jour.
Dans la taverne du Corsaire Joyeux, un bon goûter nous est servi. Non, les pirates ne vivent pas que de femmes et de rhum, mais également de brioches et de chocolat chaud. Le ventre plein et l'esprit réchauffé, nous accueillons Papi et Mamie pour une fin d'après-midi qui s'annonce animée. Férus de jeux de cartes, ceux-ci sautent à pieds joints pour notre dernier tour de piraterie de la journée.
Skull King : tel est pli qui croyait prendre !
Et nous voilà cinq autour du tonneau. Enfin de la table. Les cartes sont sorties. Yo-Ho-Ho ! Les paris fusent en fonction des atouts dans nos mains. Les sourires narquois fleurissent et les illusions se fanent. Trois vainqueurs, sur le même pli, ça n'est pas possible ! Pirates, sirènes, voiles blanches et Skull King sortent tour à tour et survolent les premiers tours. La patience n'est pas la qualité première des flibustiers, et pourtant il en faudra. Pas moins de dix manches seront nécessaires pour départager nos pirates. Et jusqu'à la dernière, tout peut basculer.
L'ambiance s'en ressent. La bière (et le jus de pomme) dans les verres jaillit à chaque frappe de dépit sur la table. Les esprits s'échauffent gentiment. Dans la taverne, la musique résonne toujours plus fort. Les chambrages et les rires jaillissent de cette bruyante et sympathique assemblée.
C'est la dernière manche. Je suis en tête assez largement. Ma dernière main est plutôt minable et dépourvue d'atout. Je tente alors de finir sur un coup d'éclat et annonce que je ne gagnerai aucun pli. Ça n'a évidemment aucun sens, mais il faut croire qu'avec l'alcool, mon sang de pirate s'est mis à bouillonner. Les cartes se succèdent au centre de la table. Tout se passe bien jusqu'au dernier round. Je jubile, il ne me reste qu'un 3 bleu dans la main. Tous les atouts sont passés, j'entrevois déjà la lumière et les hourras de la foule en délire. Et c'est le drame ! Un sourire plein de fourberie en coin, Papi ouvre avec le 2 bleu. Horreur, j'ai mal compté ! Je pose mon 3 et prends la main. Les trois autres cartes n'y peuvent plus rien. Je prends cent points de pénalité. Triomphant, Papi me tape sur l'épaule. Il me glisse à l'oreille que ça n'est pas au vieux perroquet qu'on apprend à jouer de la trompette. Ou un truc du genre, mon esprit s'est embrumé.
Ça n'était pas mon jour, mais en quittant la taverne, je me remémore ces instants passés. En famille. Dans l'allégresse. Arthur s'est endormi sur le chemin du retour vers sa chambre. Tellement d'émotions sur cette journée. Qui sait ce que la prochaine nous réserve ? Assurément des jeux !
jujuOB
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